La mémoire des vies passées
J’ai découvert ce musicien au printemps 1994. Alors, je ne le connaissais pas, je ne l’avais pas entendu sur les ondes, quand j’ai découvert son visage sur l’album Cheyenn Automn, ce visage m’a arrêtée, m’a fascinée. Alors j’ai acheté le disque, je l’ai écouté, appréciant la voix et les mélodies, mais sans comprendre certaines paroles comme « Deux siècles déjà… reviens m’abattre jeune tambour…. ». Or j’aime comprendre, c’est ma spécialité l’analyse du sens des textes. Et cela m’agaçait de ne pas parvenir à comprendre.
Dans les années suivantes, j’ai poursuivi la découverte en m’offrant les nouveaux disques, je ne comprenais toujours pas tout, mais je percevais pourtant que ces paroles mystérieuses, éminemment poétiques avaient du sens… je m’interrogeais sur « même momie, même menton, même famille, même nom » (album Vénus) … ou encore sur des mots comme « pauvre Arthur et le mont Liban » (album Dolorès). Plus que cela, en écoutant ses chants, par la présence de sa voix si particulière, il me semblait le percevoir, le connaître… et j’en venais à éprouver le besoin de le rencontrer, ce qui m’amena à venir pour la première fois à un concert à l’automne 1997.
L’année 1998 fut celle où mon esprit s’ouvrit enfin à la mémoire de nos vies passées, à commencer par celles du XIIIè siècle, qu’il évoque d’ailleurs parfois, à mots couverts. Et c’est en janvier 1999 que le second souvenir revint d’un coup à la surface de ma conscience quand un matin j’entendis une chanson adaptant « Le Dormeur du Val » : une clarté se fit alors, une lumineuse réminiscence : Il a été Arthur Rimbaud ! Quelle intense émotion ! J’en pleurais.
Peu après, je compris qu’il fut auparavant le Roi de Naples, ce qu’il a chanté dans « Joachim ». Je compris alors la vraie raison du choix de ce nom Murat…. Non pas à cause de Murat-le-Quaire, village auvergnat, comme il l’avait d’abord affirmé. Ses grands-parents vivaient à Murat-le-Quaire…Lui vivait non loin, à la Bourboule. Il a brouillé les pistes, mais enfin le nom de ce village proche où sans doute il passa sa scolarité de collégien, a pu raviver en lui des souvenirs de l’époque impériale.
Je prétends donc sans l’ombre d’un doute qu’il a été Rimbaud et aussi avant Joachim Murat, et je remonte encore beaucoup plus loin dans le temps car ma mémoire a parcouru tous les siècles où je l’ai connu…. Ce qui fait beaucoup, un parcours immense. De ces vies passées, je donnais déjà un haut témoignage dans un livre publié au printemps 2005, Arthur ou la métempsycose. En juillet 2005, dans le numéro 2896 de Télérama, il venait confirmer mes affirmations, en évoquant ainsi Joachim Murat : « un sacré personnage : grand, 1,81 mètre, beau, brun aux yeux bleus. Un voyou à la malice gasconne, mais surtout un guerrier extraordinaire, élégant, arrogant, une sorte de Ziggy Stardust napoléonien, de cow-boy impérial, avec un look extraordinaire, toujours entre femmes et festins…. Lorsqu’il est mort, fusillé en Calabre en 1815, il a dirigé lui-même le peloton d’exécution »…. Ainsi s’éclairent les paroles de «Deux siècles déjà » : « reviens m’abattre jeune tambour », et du Troupeau :
« D’avoir mené les chevaux, d’avoir traversé les glaces, pour me bâtir un troupeau, n’apaise pas mon angoisse. » En effet, Murat comme chef de la cavalerie mena les chevaux, et traversa les glaces lors de la campagne de Russie…
Ainsi, je suis sûre que Rimbaud avait des réminiscences de ses vies antérieures, ce qui permet de comprendre un peu Une saison en enfer,
Dans le poème intitulé "Mauvais sang", il exprime des visions, ou des souvenirs de vies passées , notamment celui-ci qui éclaire son passage terrestre lors de l'époque impériale et sa fin tragique, puisque Joachim Murat est mort fusillé à Pizzo, en Italie : "
Je me voyais devant une foule exaspérée, en face du peloton d'exécution, pleurant du malheur qu'ils n'aient pu comprendre, et pardonnant ! — Comme Jeanne d'Arc !
Et Jean-Louis Murat a lui aussi des souvenirs très précis de ces participations au monde, d’où son profond sentiment de solitude et de nostalgie qui l’assombrit parfois, qui l’a conduit parfois au désespoir, mais qui nourrit aussi son immense créativité. Comme Rimbaud, il est voyant, il voyage et voit des réalités appartenant à d’autres dimensions… c’est pourquoi ses textes sont souvent si mystérieux, presque impénétrables, mais c’est voulu…. Comme Arthur qui a dit « J’ai seul la clé de cette parade sauvage »… Chercher à les comprendre, à le comprendre, relève alors de l’aventure spirituelle.
Pour témoigner de ce que j’ai compris, ou cru comprendre, sur Murat et aussi sur l’Empereur Napoléon, j’ai publié plusieurs livres, dont le plus important s’intitule Et si Platon avait raison, Aigle Botté éditions, 2015.
Dessin et peinture de Sophie Desestoiles : Arthur Rimbaud et Jean-Louis Murat